Osez les paroles

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  • La loi pour la réforme de la justice, les petits pas vers la généralisation de la médiation

    • Le 20/04/2019

    Il a fallu tirer les conséquences de la prochaine fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance. En effet, la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2020, tire les conséquences de cette fusion et étend l'obligation préalable de tenter une résolution amiable préalablement à la saisine du juge pour certains recours devant le TGI.

     

    • Généralisation de l'utilisation des modes alternatifs de résolution des différends

    La loi de réforme pour la justice du 23 mars 2019 permet à tout juge d'enjoindre les parties à un litige à rencontrer notamment un médiateur afin de les inciter à poursuivre un processus de médiation.

    Cette loi met, par ailleurs, en place une obligation de résolution amiable des litiges, préalablement à toute saisine du juge devant le tribunal de grande instance, pour les recours tenant au paiement d'une somme inférieure à un certain seuil ou relatifs à un conflit de voisinage. Un décret définira les modalités d'application de ces dispositions, surtout les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant à partir duquel les litiges seront soumis à cette obligation.

    L'objectif des autorités, par cette généralisation de l'utilisation des modes alternatifs de résolution des différends, est de ne faire venir devant les juges uniquement les affaires pour lesquelles les parties n'ont pas su trouver de solution amiable. Ce dans un principe de bonne administration de la justice pour obtenir une diminution significative de la durée des procédures et du nombre d'affaires portées devant le juge afin d'alléger la charge de travail des juridictions.

    De plus, les solutions amiables sont plus facilement acceptées par les parties qui les auront élaborées.

    Toutefois, l'article 3 de cette loi permet à tout juge l'injonction aux parties de rencontrer notamment un médiateur qu'il désigne en toute étape de la procédure, y compris en référé, pour les informer sur l'objet et le déroulement de la procédure de médiation. Il ne s'agit là que d'une séance d'information, pas d'une obligation de processus de médiation.

    Il convient de rappeler que toute médiation ordonnée en cours d'instance a un effet suspensif.

    Le Conseil constitutionnel s'est prononcé dans une décision du 21 mars 2019 en précisant que s'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours contentieux, il appartient au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction notamment dans le cas où le litige présenterait un caractère urgent. Sous cette réserve, le grief tiré d'une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif a été écarté.

     

    • Services en ligne de médiation, conciliation ou arbitrage

    Désormais, cette loi prévoit qu'une décision arbitrale pourra être rendue sous forme électronique sauf opposition de l'une des parties.

    Cependant, ces services en ligne de médiation ne pourront avoir pour seul fondement un traitement algorithmique ou automatisé des données personnelles.

    Si un tel traitement devait intervenir , les parties doivent en être informées par une mention explicite et doivent expressément y consentir.

    Les personnes physiques ou morales qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement de ces services en lignes de médiation doivent accomplir leur mission avec impartialité, indépendance, compétence et neutralité.

    Il faut souligner que ces services en lignes pourront faire l'objet d'une certification par un organisme accrédité. Pour l'instant, rien n'est prévu sauf qu'il faudra la parution d'un prochain décret pour que cette certification soit accordée au service en ligne qui en fera la demande après vérification du respect des exigences légales.

     

  • Tu veux ou tu veux pas des écrits dans ta médiation ?

    • Le 19/02/2019

    Il y a 2 cas où le médiateur est en mesure de rédiger un écrit : à l’entrée et à la sortie de la médiation.

                    L’entrée en médiation

    Actuellement, il n’existe aucune obligation juridique de formaliser l’entrée en médiation par un écrit. Toutefois, les pratiques entre les médiateurs divergent. Pour les uns, un écrit contreviendrait au principe d’adhésion des parties qui acceptent la médiation. En effet, ces parties restent libres de quitter la médiation à n’importe quel moment sans justification ni sanction.

    L’idée même d’écrire qu’une personne s’engage dans un processus de médiation est contraire à ce processus même. N’oublions pas qu’une médiation correspond à la réhabilitation de la parole.

    Pour les autres, cet écrit apparait nécessaire pour fixer un cadre commun aux parties.

    Pour le médiateur, cet écrit permet, pourtant, de limiter la mise en cause de la responsabilité du médiateur en confirmant les principes du cadre et l’adhésion des parties.

    Cet écrit n’est pas négligeable dans la mesure où il va permettre de faire courir sans difficulté le délai de prescription en cas de volonté de recours devant le juge quand même. En effet, l’article 2238 du code de procédure civile permet la suspension de la prescription de l’action en cas de recours à la médiation à compter de la rédaction d’un accord écrit ou du jour de la première réunion de médiation.

    Le délai de prescription d’un minimum six mois ne recommence à courir qu’à compter de la date à laquelle soit l’une des deux parties soit les deux, soit le médiateur mette fin à la médiation.

                    La sortie de la médiation

    Aucun texte juridique ou réglementaire n’impose la rédaction d’un écrit en fin de médiation.

    Une médiation peut, par conséquent, se conclure par un accord écrit ou oral.

    Le médiateur n’est pas un expert juridique mais un expert de la relation. Il se focalise sur la relation elle-même.

                    Un support de la parole donnée

    Cet écrit ne constituerait qu’un support de la parole donnée entre les deux parties et une mise « noir sur blanc » du changement, le médiateur invitant les parties à réfléchir sur l’avenir de cet accord et sa possible homologation.

    En effet, le médiateur n’est en aucun cas le garant de l’exécution de cet accord ou de son homologation. Seules les parties doivent se responsabiliser et devenir les acteurs de leur propre changement.

    D’ailleurs, l’article 131-11 du code de procédure civile n’impose au médiateur qu’une simple information.

    Seules les parties peuvent marquer leur engagement en signant de manière manuscrite cet accord. Le médiateur qui reste un « accoucheur » de ce changement, en travaillant sur la relation des parties, ne fait qu’acter les points d’accord.

    Ce sont ces mêmes parties qui peuvent choisir de faire homologuer leur accord ; sachant que désormais une seule des parties peut saisir le magistrat pour faire homologuer cet accord établi par un médiateur. Le magistrat n’est pas lié par cet accord entre les parties.

    La décision de refus n’étant susceptible d’aucun recours.

                    Le nom de cet accord

    La qualification de cet accord a une importance cruciale sur le contrôle a posteriori que pourrait exercer le magistrat ; notamment s’il qualifiait cet accord de transaction, de contrat ou de compromis.

    Je pense que tout simplement l’idée de rédaction d’un compte-rendu de médiation ou d’un procès-verbal de médiation, listant les orientations dégagées par les parties et le médiateur au cours de la médiation est la plus satisfaisante pour les parties et le médiateur. Elle permet également aux conseillers (notaire, avocat…) d’exercer leur activité en négociant les détails par la suite ; chacun exerçant ainsi dans son domaine d’expertise (les uns sur la relation, les autres sur l’expertise juridique et financière).

  • Réaction de l'employeur en cas d'altercation entre salariés

    • Le 02/11/2018

    Une altercation entre des salariés d'une entreprise n'est pas un incident anodin. Hormis le fait qu'elle contribue à déstabiliser le travail de l'équipe, elle peut constituer un accident du travail. En effet, l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

    Par conséquent, les personnes victimes d'agression ou ayant subi un choc émotionnel au temps et lieu du travail, développant à la suite des faits des pathologies dues au stress post traumatiques, peuvent bénéficier de la prise en charge spécifique aux accidents du travail.

     

    Par la jurisprudence « SNECMA », la Chambre Sociale de la Cour de Cassation avait imposait le 5 mars 2008, que l'employeur qui dans le cadre de son pouvoir de direction mettait en œuvre des mesures ayant pour objet ou pour effet de compromettre la santé ou la sécurité des travailleurs soit systématiquement condamné.

     

    Jusqu'en 2015, l'employeur avait une obligation de résultat. Dès lors qu'il y avait atteinte à la santé d'un salarié, la responsabilité de l'employeur était engagée pour un manquement à l'obligation de sécurité de résultat. C'était là une responsabilité excessive entraînant systématiquement sa responsabilité sauf cas de force majeure. En aucun cas l'employeur ne se voyait encouragé à prendre des mesures de prévention de protection des salariés.

     

    Le 25 novembre 2015, la Cour de Cassation a rendu un arrêt de principe « Air France » par lequel la possibilité pour l'employeur de s'exonérer autrement qu'en faisant appel à la force majeure est entrouverte. Les employeurs ayant pour préoccupations les risques professionnels et ayant mis des moyens de prévention adaptés en place ne peuvent plus être responsables du seul fait de la réalisation du risque.

    Dans cet arrêt, un membre du personnel navigant d'Air France fut témoin des attentats du 11 septembre. 5 ans et demi plus tard, il est pris d'une crise de panique en partant rejoindre son bord et mis en arrêt de travail. Il saisit fin 2008, le Conseil de prud'hommes pour pouvoir condamner son employeur à lui payer des dommages intérêts pour manquement à son obligation de sécurité après les attentats. En l'espèce, la Cour d'appel se voyait reprochée de ne pas avoir recherché si la société Air France avait mis en place un suivi psychologique de l'intéressé. La Cour de Cassation avait rendu un attendu de principe : « Mais attendu que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ». L'obligation de sécurité n'est plus une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l'employeur pouvant s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve des mesures mises en œuvre.

     

    Il ya quelques jours, dans un arrêt du 19 octobre 2018, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation s'est prononcée, de nouveau, sur l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat à la suite d'une altercation entre 2 salariés.

    Une altercation verbale avait eu lieu, en l'espèce, entre 2 salariés d'une même entreprise. L'entrepreneur avait organisé une réunion en présence des 2 protagonistes pour résoudre leur différend lié à des difficultés de communication. Au cours de cette réunion, un salarié s'est excusé et la société a par la suite organisé des réunions périodiques afin de faciliter l'échange d'information entre services et entre ces 2 salariés.

    La Cour de Cassation a considéré la réaction de l'entrepreneur insuffisante : « Mais attendu qu'ayant relevé que bien qu'ayant connaissance des répercussions immédiates causées sur la santé du salarié par une première altercation avec l'un de ses collègues, des divergences de vues et des caractères très différents voire incompatibles des protagonistes et donc du risque d'un nouvel incident, la société n'avait pris aucune mesure concrète pour éviter son renouvellement hormis une réunion le lendemain de l'altercation et des réunions périodiques de travail concernant l'ensemble des salariés, qu'elle n'avait ainsi pas mis en place les mesures nécessaires permettant de prévenir risques, assurer la sécurité du salarié et protéger sa santé physique et mentale conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel a caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et a légalement justifié sa décision ».

     

    Ainsi, cet arrêt a remis en lumière l'importance des mesures que l'employeur doit mettre en œuvre pour ne pas voir sa responsabilité engagée et pour se faire, les médiateurs sont là pour aider les employeurs !